CONSTRUIRE LE FUTUR

Ilari Aho Président du conseil du WorldGreenBuildingCouncil (WorldGBC) > O.R. : Au BPIE, nous avons développé un « Passeport de rénovation des bâtiments » dédié à ces projets spécifiques. Cet outil définit les étapes qui seront nécessaires pour « pérenniser » un édifice. Et surtout, il permet de répondre simultanément à un double enjeu : réduire l’impact environnemental du projet et améliorer sa résilience face au changement climatique. Une seule intervention, un seul investissement. Existe-t-il suffisamment d’experts en « durabilité » ? O.R. : Pas encore. Et c’est d’ailleurs une réelle opportunité commerciale. Le secteur de la construction est très demandeur de services innovants pour accompagner les propriétaires et promoteurs immobiliers dans leurs démarches de décarbonation. I.A. : Sur ces sujets, de plus en plus de personnes sont formées et embauchées. D’ailleurs, de nombreux profils compétents sortent des universités aujourd’hui. Je suis plutôt optimiste : ces experts vont s’intégrer de plus en plus naturellement dans les processus de décision des projets de construction. O.R. : Le paradoxe, c’est que sur le terrain, nous souffrons en parallèle d’une véritable pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Le secteur devra donc investir dans la formation et la montée en compétence des collaborateurs afin de gagner en attractivité. L’innovation et la numérisation peuvent y contribuer. En Europe, la plupart des bâtiments actuels ne répondent pas aux normes de construction durable. Que préconisez-vous ? Devrons-nous raser les villes historiques pour tout reconstruire ? I.A. : Bien sûr que non ! Bien au contraire. Un édifice utilisé depuis des siècles est par essence beaucoup plus durable qu’un bâtiment construit dans les années 1970 ou 1980. Mais ce qui a changé, c’est la façon dont nous utilisons ces bâtiments. Avec nos équipements électriques, électroniques et l’éclairage artificiel, nous créons une charge thermique interne bien plus importante que par le passé. Les constructions très anciennes sont donc confrontées à un double défi : un changement de climat externe et un changement d’usage interne. Demain, nos quartiers historiques devront être en mesure de résister à des volumes de pluie multipliés par deux, voire trois. Il faudra donc parvenir à améliorer la résilience des villes traditionnelles, sans mettre en péril leur valeur historique et culturelle. O.R. : En effet, le préalable est de s’assurer que les bâtiments historiques puissent affronter les conséquences du changement climatique en continuant d’offrir aux habitants un environnement sûr et sain, même dans des conditions météorologiques extrêmes. Et le chemin à parcourir est long car certaines zones urbaines sont entièrement recouvertes de revêtements artificiels incapables d’absorber l’eau de pluie. Alors, sans aller jusqu’à démolir les immeubles, il faudra plutôt envisager de construire autrement les infrastructures et les espaces pour renaturer les villes. Pour nos bâtiments, il faut les envisager dans le cadre d’un écosystème plus large, en se demandant ce qu’ils peuvent individuellement apporter à leur environnement immédiat. En effet, un seul bâtiment peut déjà contribuer à améliorer la résilience globale d’un quartier tout entier, par exemple parce que son toit végétalisé saura absorber les excès de pluie. Alors, en démultipliant ces adaptations, on peut clairement accroître la résistance de l’ensemble de la ville aux conséquences du changement climatique, tout en conservant son âme. 37 CONSTRUIRE LE FUTUR

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