Constructing a Sustainable Future #2

la clé de la construction Le magazine de la construction durable PAR SAINT-GOBAIN AVRIL 2024

la clé de la construction Le magazine de la construction durable PAR SAINT-GOBAIN

1. #DÉCARBONATION AGIR ENSEMBLE POUR UN MONDE SANS CARBONE P. 14 2. #RÉNOVATION RELEVER LE DÉFI DE LA RÉHABILITATION P. 34 3. #CIRCULARITÉ PRÉSERVER LES RESSOURCES : UNE NÉCESSITÉ COMMUNE P. 46 4. #URBANISATION CO-CONSTRUIRE UN AVENIR URBAIN DÉSIRABLE P. 54 5. #QUALITÉ DE VIE PLACER L’HUMAIN AU CŒUR P. 68 6. #POLITIQUE & ÉCONOMIE HARMONISER LES RÈGLES DU JEU P. 78

05 À PRoPOS Développer des villes plus agréables et résilientes, réduire la consommation de ressources naturelles et d’énergie ou encore assurer à chacun un logement accessible, confortable et décent… Pour répondre à ces défis planétaires, le secteur de la construction doit se transformer. Déterminé à jouer un rôle clé dans cette transition, Saint‑Gobain a lancé en 2023 l’Observatoire de la Construction Durable. L’objectif? Écouter, informer, et fédérer l’ensemble des acteurs dumarchémondial encore fragmenté, afin de favoriser le partage des bonnes pratiques à l’échellemondiale et de trouver ensemble des solutions pour accélérer la mutation du secteur. Le magazine digital Constructing a sustainable future est l’une des composantes essentielles de cet Observatoire. Il décrypte les enjeux d’une construction plus durable, son impact sur le climat et la société, explore des solutions innovantes, des projets inspirants, et donne la parole à toutes celles et ceux qui s’engagent dans cette transition. Parce que nous sommes convaincus que nous devons réunir nos forces pour accélérer ce mouvement, nous dédions cette édition spéciale à cette nécessaire coopération. Retrouvez l’ensemble de nos articles, interviews et podcasts sur Constructing a sustainable future et en vous abonnant à notre newsletter. ACCÉDEZ au magazine en ligne Constructing a sustainable future

06 L’Observatoire de la Construction Durable réalise annuellement un Baromètre mondial pour prendre le pouls de la construction durable dans le monde : perceptions, obstacles et leviers de progrès, solutions attendues, parties prenantes les plus actives… Il permet de mesurer les avancées et identifier les champs d’action où faire porter les efforts collectifs. La 2e édition de cette étude internationale a été réalisée par l’institut CSA (1). Découvrez les enseignements clés à retenir. Si près de 9 personnes interrogées sur 10 déclarent connaître la notion de construction durable, sa compréhension semble toujours limitée à la construction verte et moins focalisée sur les autres dimensions telles que la santé des occupants. La protection de l’environnement est en effet perçue comme l’objectif le plus important de la construction durable, quelle que soit la zone géographique. Un répondant sur dix seulement la relie à la santé des habitants, alors même que sa définition combine performance et durabilité : « tout au long de son cycle de vie, la construction durable contribue positivement à la santé et au bien-être des personnes, présente une empreinte réduite sur l’environnement et délivre une valeur économique et une qualité supérieure ». LA CONSTRUCTION DURABLE, UNE NOTION ESSENTIELLEMENT ENVISAGÉE SOUS SON PRISME ENVIRONNEMENTAL Selon vous, quel doit être le principal objectif de la construction durable? SCANNEZ et retrouvez les résultats complets du Baromètre 2024 (1).  Le Baromètre de la construction durable 2024 a été réalisé entre le 11 décembre 2023 et le 31 janvier 2024, auprès d’un échantillon de 1760 répondants âgés de 18 ans et plus, issus de 22 pays : Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Brésil, Canada, Colombie, Égypte, Émirats arabes unis, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Inde, Italie, Mexique, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Suisse, Turquie, Vietnam. (1).  Evolution calculée sur la base des 9 pays communs aux deux éditions d'enquête (2023 et 2024) BAROMÈTRE La protection de l’environnement 35% (+3) (1) La lutte contre le changement climatique 23% (–4) (1) La réduction des dépenses énergétiques 16% (–4) (1) Des coûts réduits sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment 11% Nouveau La santé des habitants 10% (–1) (1) La résistance des bâtiments aux aléas climatiques 5% Nouveau Base : ensemble – une seule réponse possible

07 •  Une personne interrogée sur trois considère la sensibilisation du public comme étant prioritaire pour accélérer la construction durable, en particulier en Afrique et en Asie. •  La rénovation énergétique apparaît comme une priorité dans les pays au parc très construit et établi, comme la France (39%), les États-Unis (37%) ou l’Allemagne (34%). •  Le rôle des initiatives publiques (normes, aides et réglementations), pourtant fondamental, reste sous-estimé par les acteurs de terrain. Avec des différences régionales intéressantes : les Européens sont plus enclins à demander des aides publiques pour les particuliers. En Amérique du Nord et en Amérique centrale, la demande de réglementation est plus forte. 3 PRIORITÉS IDENTIFIÉES PAR LES ACTEURS DU SECTEUR : SENSIBILISER LES PUBLICS, AGIR SUR LA PERCEPTION DES COÛTS ET COLLABORER DAVANTAGE Selon vous, parmi les actions suivantes, quelles sont celles qui doivent être mises en place en priorité pour accélérer le développement de la construction durable? Base : ensemble – plusieurs réponses hiérarchisées possibles 14% Sensibiliser davantage le grand public aux enjeux de la construction durable 31% 11% Améliorer la compétitivité des matériaux, produits et solutions durables 30% 10% Sensibiliser davantage l’ensemble des parties prenantes et renforcer leur collaboration 26% 7% Former davantage les professionnels 21% 10% Rénover l’existant 20% 7% Proposer de nouvelles solutions innovantes 20% 7% Privilégier les biomatériaux 20% 6% Rendre plus visible et transparente la performance durable des constructions 19% 7% Réglementations en faveur de l’intensification de la rénovation énergétique 19% 7% Plus de réglementations 15% 4% Augmenter les aides publiques aux particuliers 13% 3% Augmenter les aides publiques aux professionnels 10% 2% Simplifier les rôles des labels et certifications 7% Item proposé uniquement en Europe En premier Au total

08 Les professionnels du secteur sont de plus en plus nombreux (62%, +3 points par rapport au Baromètre 2023, à périmètre constant) à considérer l’engagement de leurs fournisseurs en faveur de la construction durable comme un critère de sélection. Un marqueur fort de leur volonté de s’engager davantage dans ce type de chantiers. D’autres résultats du Baromètre 2024 sont significatifs : •  85% des professionnels interrogés déclarent réaliser tout ou partie de leur activité dans la construction durable, et 92% pensent le faire dans les 5 prochaines années. •  51% d’entre eux disent avoir déjà bénéficié d’une formation à la construction durable, soit 6 points de plus par rapport au Baromètre 2023 (à périmètre constant). •  Les étudiants du secteur se disent mieux informés et mieux formés. Leurs sentiments d’information et d’accès à la formation enregistrent respectivement une hausse de 12 points par rapport au Baromètre 2023 (à périmètre constant). MIEUX FORMÉS, PLUS EXIGEANTS… LES PRATIQUES DES ACTEURS BOUGENT L’engagement de vos fournisseurs et partenaires en faveur de la construction durable est-il un critère de sélection pour vous ? 31% 28% 87 % 10% Oui, tout à fait Non, pas du tout Oui, plutôt Non, plutôt pas 31% Total Non : 38% 62 BAROMÈTRE Base : professionnels – une seule réponse possible (+3) (1) (1).  Evolution calculée sur la base des 9 pays communs aux deux éditions d'enquête (2023 et 2024)

09 Quels que soient les items étudiés, les résultats révèlent des réalités spécifiques à chaque zone géographique. Sur la question des acteurs perçus comme les plus légitimes pour faire avancer la construction durable, les architectes et bureaux d’ingénierie arrivent généralement en tête des acteurs les plus cités avec 29% de réponses en première intention, suivis de près par les élus (21%) et les institutions publiques (20%). Mais les différences entre pays apparaissent clairement : •  En Europe, les institutions publiques arrivent en seconde position (24 % de réponses « en premier »). •  Tandis qu’au Canada, au Royaume-Uni et au Vietnam, ce sont les élus qui arrivent largement en tête (respectivement 59%, 67% et 68% de réponses totales) avant même les professionnels de la conception en bâtiment. •  En revanche, aux États-Unis et en Amérique du Sud, le rôle dévolu aux entreprises privées semble beaucoup plus important (respectivement 47% et 56% de réponses totales, soit + 6 et + 15 points par rapport à l’ensemble de l’échantillon). UN DÉPLOIEMENT DE LA CONSTRUCTION DURABLE QUI DOIT S’ADAPTER AUX RÉALITÉS LOCALES Parmi les acteurs suivants, lesquels sont, selon vous, les plus légitimes pour faire avancer la construction durable (% cités en premier) ? Les architectes et bureaux d’ingénierie 29% Les élus (2) 21% Les institutions publiques 20% Les entreprises privées des secteurs de la construction et du bâtiment 17% Les citoyens 7% Les associations 4% Les artisans 2% Base : ensemble – deux réponses hiérarchisées possibles (2) « Représentants locaux du gouvernement » aux Émirats arabes unis.

Grand

11 IRÈNE SKOULA Directrice du programme Énergie et bâtiments, C40 Cities. En quoi la construction durable a-t-elle permis d’accélérer la transition énergétique des villes? I.S. : Les villes sont responsables d’environ deux tiers de la consommation d’énergie, imputable en grande partie à la construction de bâtiments. La construction durable est donc un élément essentiel de la transition énergétique, notamment grâce aux principes de l’architecture vernaculaire, à l’utilisation de matériaux à faibles émissions de carbone, à la construction de bâtiments à haute performance énergétique sans énergies fossiles, et à l’utilisation de machines et d’engins de construction zéro émission. Les citoyens doivent être au centre de la transition énergétique, laquelle doit être juste et propre. Nous savons que les actions dans le domaine de l’énergie verte en ville sont aussi génératrices d’emploi. Les données montrent qu’investir dans la rénovation des bâtiments résidentiels et les panneaux solaires photovoltaïques créera six fois plus d’emplois qu’investir dans les combustibles fossiles. Comment le réseau C40 facilite-t-il la coopération entre les villes en matière de construction durable? I.S. : Réunir les villes est au cœur de notre mission. Notre programme Constructions propres soutient plus de 40 villes dans le monde, impliquant partenaires et parties prenantes pour accompagner la transition vers la décarbonation, l’efficacité énergétique, la résilience et un environnement bâti juste. L’une de nos actions consiste à sensibiliser les villes à l’impact « invisible » du bâti (émissions intrinsèques, raréfaction des ressources, pollution de l’air et des sols, pollution sonore) lorsque les principes de la construction durable ne sont pas respectés. Nous rassemblons les villes et parlons à nos pairs dans un environnement de confiance. Nous encourageons le leadership à travers des engagements politiques appelés « accélérateurs », tels que l’Accélérateur de bâtiments net zéro carbone qui fixe une orientation concrète pour garantir que la La transition vers une construction durable exige la mobilisation de l’ensemble de l’industrie. Un exercice complexe dans un secteur où la chaîne de valeur mondiale est particulièrement fragmentée. Irène Skoula dirige le programme sur l’énergie et les bâtiments de C40 Cities, une organisation dont la mission est de rapprocher les villes pour faire face à la crise climatique. Selon elle, la coopération est une composante essentielle d’une transition réussie vers la construction durable. Aucun acteur ne peut, à lui seul, réaliser l’ampleur et le rythme de cette mutation.

12 neutralité carbone nette des nouveaux bâtiments d’ici à 2030 et de tous les bâtiments d’ici à 2050. L’Accélérateur de construction propre est notre engagement à faire évoluer l’industrie mondiale de la construction vers un avenir plus durable. Notre objectif est d’impliquer les maires et de montrer au monde qu’ils sont actifs et non retardataires. Pourriez-vous nous donner quelques exemples d’initiatives significatives de collaboration entre les villes? I.S. : En septembre 2022, la ville de New York a voté un ordre exécutif relatif à la construction propre qui vise à réduire l’empreinte carbone du secteur de la construction d’ici à 2033. Il s’agit là de l’une des meilleures décisions prises par une municipalité au monde. New York s’est ici inspirée de l’exemple d’autres villes comme Los Angeles et San Francisco. Après avoir échangé avec d’autres et compris ce qu’elles faisaient, les villes ont adapté les mesures en fonction de leur cadre local. D’autres villes, comme Rio de Janeiro l’année dernière, ont acheté de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable pour alimenter les installations publiques conformément à ce qui avait été fait ailleurs. À Melbourne, des programmes de rénovation ont également été inspirés par ceux d’autres villes. Comment concevez-vous le rôle de la collaboration internationale entre les parties prenantes dans la transition vers des pratiques de construction durable? I.S. : Le secteur de la construction est complexe, mondial et fragmenté. Aucun acteur ne peut seul réaliser la transition au rythme et à l’échelle requis. L’engagement des parties prenantes est indispensable, y compris des organisations syndicales. Nous élaborons des politiques et les « Tout repose sur la collaboration. Une collaboration fondée sur une approche inclusive regroupant l’industrie, les travailleurs et les citoyens peut aider à faire émerger la construction durable. »

13 travailleurs, eux, mettent en œuvre le changement. Ils doivent être repré‑ sentés à la table des discussions pour garantir leurs droits et un salaire décent. Nous ne pouvons y parvenir sans eux. C40 est également un membre fondateur de la coalition Building ToCOP, initiative qui rassemble les leaders de toute la chaîne de valeur afin que la thématique de l’environnement bâti figure parmi les priorités du dialogue international sur le climat. Quelles sont les solutions les plus efficaces pour faciliter la transition de ces villes vers des pratiques de construction durable? I.S. : Il n’y a pas de solution unique, mais des principes qui peuvent être appliqués universellement, comme le fait de prioriser les infrastructures existantes et de réutiliser les matériaux à la fin de leur cycle de vie. Nous devons planifier, construire et concevoir pour l’avenir. Il serait impensable de construire des bâtiments ici en Grèce sans tenir compte de la hausse des températures. Il fait 45 °C l’été, donc nos bâti‑ ments doivent être capables de résister à cette chaleur. Nous devons nous assurer de la sécurité sur les chantiers et utiliser des engins zéro émission. Les municipalités peuvent elles aussi servir de modèle. On ne peut pas demander au secteur privé d’agir si elles ne le font pas. Il faut que les municipalités utilisent leurs prérogatives en matière de commande publique pour développer le marché adéquat et faciliter le développement de technologies innovantes. Quel est le meilleur moyen de permettre aux villes d’adopter des pratiques durables? I.S. : Elles doivent disposer des bonnes informations pour prendre des décisions allant dans le sens du développement durable. Il est essentiel de dissiper les idées fausses, comme celle selon laquelle les combustibles fossiles sont moins chers, plus sûrs, créent des emplois et favorisent le développement économique. Dans le secteur de la construction, les rénovations offrent un potentiel d’emplois plus important que les emplois liés aux combustibles fossiles. Par ailleurs, elles permettent d’améliorer la qualité de l’air à l’intérieur et à l’extérieur et présentent donc des avantages pour la santé des citoyens. Les énergies renouvelables coûtent moins cher et leur prix est moins volatil. Une transition vers des systèmes fonctionnant à partir de ces sources d’énergie permet donc de réaliser des économies, de réduire la pollution de l’air, de créer des emplois verts et de sécuriser les sources d’énergie. Nous devons informer nos dirigeants politiques et combattre les idées reçues, sans quoi nous ne pourrons développer la construction durable. Comment les villes travaillent-elles avec l’industrie pour élaborer des feuilles de route pour parvenir à la neutralité carbone tout en répondant à la demande croissante en logements, services urbains et infrastructure? I.S. : Tout repose sur la collaboration. Les villes et les acteurs industriels doivent essayer des solutions sur les bâtiments municipaux avant de les appliquer au secteur privé. Une collaboration fondée sur une approche inclusive regroupant l’industrie, les travailleurs et les citoyens peut aider à faire émerger la construction durable que nous appelons tous de nos vœux.

La construction représente à elle seule 37% (1) des émissions mondiales de CO2. L’atteinte de l’objectif de zéro émission nette en 2050 nécessite une transformation profonde et rapide du secteur. Architectes, fabricants, constructeurs, politiques… Quel rôle chacun peut-il jouer pour généraliser les constructions à faibles émissions, et accélérer la transformation culturelle et matérielle de l’écosystème? Agir ensemble pour un monde sans carbone

15 PARTIE (1) Global Status Report for Buildings and Construction, 2022, p. 42.

16 La course à la décarbonation du secteur de la construction nécessite de prioriser la recherche d’innovations et d’alternatives plus durables, tant sur les matériaux que sur les modes constructifs. Parmi eux, « la construction légère » s’impose. Sa croissance ces dernières années a même été plus rapide que celle observée pour la construction dite « traditionnelle ». Il faut dire que ses atouts sont nombreux pour faire face aux défis économiques et environnementaux que doit relever le secteur. Contrairement aux méthodes de construction traditionnelles qui privilégient des structures avec des murs porteurs maçonnés (en pierre, béton ou brique), la construction légère opte pour des structures porteuses plus légères sous forme de « squelettes » en bois, en métal ou en béton, sur lesquelles sont fixés des systèmes de façades et de cloisons non porteurs. Et ça change tout ! Elle permet de réduire très significativement la consommation de ressources naturelles ainsi que l’empreinte carbone du bâtiment. Quant aux professionnels, ils voient la durée de leurs chantiers se réduire drastiquement et gagnent en productivité. Enfin, les usagers bénéficient d’un plus grand confort et d’une plus grande flexibilité d’occupation. DIFFÉRENTES RÉALITÉS DANS LE MONDE La construction légère ne présente pas les mêmes caractéristiques d’un pays à l’autre et c’est ce qui fait sa force. Les raisons et modalités de son adoption diffèrent selon la disponibilité et le coût des matériaux, le niveau de formation des professionnels, la culture plus durable du pays ou les besoins en résidentiel ou en nonrésidentiel du marché. Dans certains pays où elle est encore en phase d’adoption, la construction légère gagne du terrain en s’appuyant sur l’avantage économique qu’elle confère aux projets, en particulier via la réduction des coûts de transport des matériaux, la diminution de la durée des chantiers et l’assemblage simplifié de composants préassemblés… Elle améliore aussi la valeur marchande LA CONSTRUCTION LÉGÈRE prend son envol DÉCRYPTAgE

17 des bâtiments en optimisant leur efficacité énergétique et en contribuant à limiter leurs coûts d’entretien. Dans les pays où les initiatives gouvernementales encouragent des solutions plus durables, voire imposent des normes environnementales strictes, la construction légère est choisie pour ses meilleures performances en termes de circularité (consommation mieux planifiée et optimisée des ressources, démontabilité, recyclabilité, réemployabilité) et pour la réduction du carbone et de l’énergie incorporés qu’elle permet. La construction légère réduit aussi la quantité de déchets d’un chantier en ayant recours à moins de matières premières, ou en bénéficiant d’ossatures préassemblées qui permettent une fabrication et un assemblage plus précis hors site. À Brumunddal, en Norvège, la tour Mjøstårnet est l’un des bâtiments en bois les plus hauts du monde (85 mètres et 18 étages). Un modèle de construction légère, conçu par le cabinet Voll Arkitekter. PART DE LA CONSTRUCTION LÉGÈRE Canada 91% États-Unis 89% Suède 75% Angleterre 58% Allemagne 48% Pays-Bas 46% Espagne 39% France 35% Italie 32% Chili 24% Brésil 24% Chine 20% Inde 10% Source : Étude Ducker – septembre 2023.

18 BOIS, MÉTAL OU BÉTON : QUELQUES PRATIQUES DE CONSTRUCTION LÉGÈRE Le recours au bois dans la construction légère est courant dans de nombreux pays d’Amérique du Nord et d’Europe du Nord, où il est une ressource abordable et facilement disponible, et où la gestion des forêts a permis d’assurer la durabilité des solutions utilisées. D’un point de vue énergétique, le recours au bois pour la structure des constructions légères permet une réduction des déperditions au niveau des ponts thermiques, par exemple à la jointure de deux parois. Autre pratique de prédilection de la construction légère, les systèmes de charpente en acier de faible épaisseur (LGSF), préfabriqués hors site puis facilement transportés et rapidement assemblés, permettant de réaliser des économies de temps et d’argent sur l’ensemble du projet. Sur le plan environnemental, les atouts sont nombreux. Souvent fabriqués à partir de matériaux recyclés, les projets de construction ne nécessitent pas de produire de l’acier neuf. Et en fin de vie d’un bâtiment, ce même acier peut être de nouveau recyclé, favorisant la circularité et la réduction des déchets. Le béton a lui aussi son rôle à jouer en matière de construction légère. Souvent décrié, il bénéficie de solutions qui le rendent aujourd’hui plus compatible avec les exigences de décarbonation. La société Weber s’est par exemple engagée dans une démarche proactive en réduisant la teneur en ciment dans ses formules grâce aux wasterials. Derrière ce mot composé de waste et de materials (déchets et matériaux, en anglais), (1)  Dans la structure et l’enveloppe du bâtiment sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux. (2)  Gain de productivité sur certaines étapes de la construction (coulage des chapes, montage des parois ou façades…). se cache une démarche circulaire et vertueuse, qui réduit l’empreinte carbone du béton. L’objectif à l’horizon 2030 est de remplacer 60% des ciments par notamment des laitiers de hauts-fourneaux issus de la production d’acier, des cendres volantes en provenance de centrales à charbon. DÉCRYPTAgE BÉNÉFICES DE LA CONSTRUCTION LÉGÈRE Jusqu’à –50 % de carbone incorporé (1) Jusqu’à 50 % plus léger qu’une construction traditionnelle Jusqu’à –50 % de matières premières Jusqu’à 20 à 70 % de gain de productivité (2)

19 QUEL AVENIR POUR LA CONSTRUCTION LÉGÈRE? Avec des impacts environnementaux réduits et une circularité accrue, plus modulaires et flexibles, les constructions légères ont tout pour s’imposer. Elles pourraient permettre d’accélérer la course à la décarbonation des activités de construction et de rénovation, et de répondre plus facilement à la demande croissante de logements sains et durables. Les leviers de son développement dépendent de la réalité de chaque pays, mais des constantes émergent. La construction légère a avant tout besoin d’être mieux connue de l’ensemble des acteurs de la construction et mieux appréhendée via l’acquisition des bonnes compétences. Par ailleurs certains freins mériteraient d’être levés, avec des réglementations plus incitatives, et inscrites dans la durée, une meilleure maîtrise des coûts, des données d’ACV (1) plus accessibles. (1)  Analyse du cycle de vie. ÉCOUTEZ l’épisode 8 de notre podcast Constructing NewWor(l)ds sur la construction légère. La façade vitrée de l’immeuble de bureaux de Deloitte à Hyderabad (Inde) a nécessité 76% de temps d’installation en moins que des murs extérieurs en briques.

20 Malgré des siècles de bons et loyaux services, le béton affiche aujourd’hui une empreinte environnementale qui exige un changement radical. Faut‑il pour autant le remplacer? Pas si l’innovation le transforme en matériau plus durable. Utilisé depuis plus de 2000 ans, le béton est aujourd’hui le matériau le plus consommé au monde, après l’eau, selon la Global Cement and Concrete Association. Mais son empreinte environnementale est très élevée : il est responsable de près de 8% des émissions de CO2 globales selon le think tank Chatham House. DES PROPRIÉTÉS INÉGALABLES Face à la croissance démographique et à l’urbanisation galopante, il paraît pourtant difficile de se passer du béton. Il existe très peu d’autres candidats capables de surpasser sa résistance, en particulier pour des constructions de grande taille, des constructions industrielles lourdes et des infrastructures. Nombreuses sont les structures construites dans ce matériau qui ont au moins un siècle d’existence. En cela, le béton est indéniablement durable. Le béton est également très résistant, tant au feu qu’en cas de catastrophes naturelles. Autre avantage : sa grande inertie thermique. Cette masse thermique en fait un matériau capable d’emmagasiner chaleur ou fraîcheur, et de la restituer peu à peu, limitant l’été les besoins en climatisation. Il est en ce sens supérieur au bois par exemple. LA CHIMIE DE LA CONSTRUCTION POUR DÉCARBONER Le grand reproche fait au béton vient principalement de l’empreinte environnementale de son principal ingrédient : le ciment. Pour rappel, pour préparer du béton, il faut des gravillons, du sable, du ciment et de l’eau. Le ciment, ou plus précisément une de ses composantes, le clinker, est obtenu en mélangeant du calcaire et de l’argile broyés, cuits à très haute température. C’est cette étape qui est à la fois émettrice de CO2 et fortement consommatrice en énergie, et in fine, majoritairement responsable de l’empreinte carbone du béton. C’est pourquoi la recherche se concentre sur l’économie de clinker dans le béton. Plusieurs options existent. D’abord en essayant de réduire la consommation d’énergie liée à la calcination de ses matières premières, que ce soit grâce à la rénovation de l’outil industriel et plus concrètement l’installation de fours plus performants. Il est possible aussi de les faire fonctionner grâce à des sources d’énergie plus propres, parfois issues de la biomasse, se substituant en partie aux combustibles fossiles. Par ailleurs, plusieurs leviers d’action existent pour réduire l’empreinte carbone du béton : l’ajout activateurs dans la formulation Réinventer le BÉTON DÉCRYPTAgE

21 du ciment, permettant de réduire la quantité de clinker (à iso-performance), et l’adjuvantation. Grâce à elle, Chryso, par exemple, permet à Hoffmann Green de déployer un ciment à l’empreinte carbone divisée par 5. LA CONSTRUCTION LÉGÈRE POUR CONSOMMER MOINS DE BÉTON En parallèle des efforts pour réduire l’empreinte carbone du béton, il faut aussi en utiliser moins. La construction légère, en limitant son usage à la structure porteuse et aux fondations, permet de réduire significativement la consommation de béton dans une construction neuve… BOIS ET MATÉRIAUX BIOSOURCÉS… POURQUOI ILS NE PEUVENT ÊTRE QU’UN COMPLÉMENT Faut-il chercher des alternatives du côté du bois et des matériaux biosourcés ? Le bois comme la paille, le chanvre, la terre crue ont bien évidemment leur place dans le mix des matériaux pour construire plus durable. Mais, compte tenu des besoins du secteur de la construction en termes de volumes, de coûts et de productivité, peut‑on être certain de la faisabilité d’un basculement total sur ces solutions? En effet, d’ici à 2050, 2 milliards d’humains supplémentaires peupleront la Terre, et il faut construire vite et pas (trop) cher. Les forêts sont des puits de carbone fragiles. Les différents usages des sols notamment pour l’alimentation humaine doivent aussi être préservés. Ainsi, ces solutions sont sans doute complémentaires mais ne peuvent complètement se substituer au béton. L’avenir est plus probablement à la mixité, par exemple avec des structures combinant bois, béton ou acier. Et à la coexistence avec des matériaux traditionnels avec un fort contenu recyclé et une empreinte carbone très réduite. La construction légère permet de réduire significativement la consommation de béton dans une construction neuve. ÉCOUTEZ l’épisode 11 de notre podcast Constructing NewWor(l)ds sur la clinkerisation.

22 Il y a actuellement dans le monde 2 milliards de climatiseurs, auxquels s’ajoutent chaque année 135 millions de nouvelles unités. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) (1) prévoit un triplement de ce nombre d’ici à 2050 dû à l’augmentation des revenus dans des pays émergents, comme l’Inde, la Chine ou l’Indonésie, couplée à l’augmentation des températures. À elle seule, l’Asie concentrera la moitié des appareils. Le Vieux Continent ne sera pas en reste puisque d’ici la fin du siècle, il y aura en Europe du Sud jusqu’à 100 jours par an à plus de 35 °C. Une demande accrue est donc inévitable. En France, par exemple, le taux d’équipement pourrait atteindre 50%. POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE La « clim » a sa face blanche. D’après l’AIE, elle sauverait chaque année des dizaines de milliers de vies, ne serait‑ce que dans les établissements d’hébergement et de soins pour personnes âgées, ou les hôpitaux. Au Japon, où 90% des ménages bénéficient de l’air conditionné, 30400 décès liés à la chaleur ont pu être évités en 2019, contre seulement 2400 en Inde où l’équipement en climatisation ne dépasse pas 11%. Mais l’air conditionné aggrave les phénomènes de canicule. Pour pulser de l’air froid dans les intérieurs, il faut rejeter la même quantité d’air chaud à l’extérieur, ce qui contribue à réchauffer l’air ambiant et à accroître encore le besoin de rafraîchissement des habitats. Un véritable cercle vicieux qui favorise l’apparition d’îlots de chaleur en milieu urbain (+ 1 °C la nuit en centre‑ville) et est responsable, d’après l’AIE, de l’émission d’environ 1 milliard de tonnes de CO2 par an sur La climatisation est au cœur d’une polémique mondiale qui n’est pas près de s’apaiser. Accusée par les uns d’aggraver le réchauffement climatique, elle apporte à d’autres un confort bienvenu, voire vital. Face à un tel antagonisme, les solutions sont à chercher du côté d’équipements moins énergivores, d’une utilisation plus vertueuse de l’air conditionné, de technologies innovantes et d’une meilleure adaptation de nos habitats et milieux de vie. DÉCRYPTAgE UN MONDE SANS CLIM est-il possible ? ÉCOUTEZ l’épisode 12 de notre podcast Constructing NewWor(l)ds sur les îlots de chaleur.

23 un total de 37 milliards. Sans compter le rejet associé de gaz réfrigérants hydrofluorocarbonés (HFC), dont l’effet de serre est 14000 fois plus puissant que le carbone. Sur le plan de l’énergie, les perspectives de développement de la climatisation sont aussi source d’inquiétude. Si l’Inde ou la Chine atteignait un taux d’équipement de 50%, il faudrait la production annuelle d’un pays comme la Norvège pour fournir l’électricité nécessaire. LES HABITATS PASSIFS, VÉRITABLE ATOUT ANTI-CLIM Les bâtiments passifs, qui affichent jusqu’à 80% de dépenses énergétiques en moins, sont une alternative efficace à l’installation systématique de climatiseurs. Isolation thermique renforcée, étanchéité à l’air, ventilation à double flux, orientation selon les points cardinaux et les vents, végétalisation, installation de doubles ou triples vitrages avec contrôle solaire, stores ou volets… Toutes ces options diminuent de façon naturelle la température des intérieurs. La Chine construit par exemple à Gaobeidian, à 100 km au sud de Pékin, le plus grand complexe au monde de maisons passives : Train Passive House City. Dans les maisons passives, les matériaux jouent un rôle de premier plan. Ceux dits « à changement de phase » ont ainsi un point de fusion qu’il est possible de régler, par exemple à 20 °C. Dès que la température ambiante dépasse ce seuil, les matériaux « ondent » en absorbant la chaleur. Lorsque la température baisse, ils se solidifient à nouveau et restituent la chaleur latente. Quant au toit végétal ou au toit blanc 1 Md de tonnes de CO2 sont émises chaque année par l’air conditionné, sur un total de 37 milliards. (1)  Agence internationale de l’énergie. Train Passive House City, le plus grand complexe de maisons passives au monde, est en cours de construction à Gaobeidian (Chine), à 100 km au sud de Pékin.

24 réfléchissant, ils protègent l’habitation, limitent la hausse de température à l’intérieur et la rafraîchissent en été. Sur ce principe de maintien de températures modérées, certaines pratiques architecturales ancestrales montrent aussi toute leur pertinence, comme la construction de tours à vent (système de ventilation naturelle inspiré du Moyen‑Orient), l’aération transversale (création de courants d’air intelligents), l’emploi de la terre cuite aux excellentes performances thermiques, etc. VERS UNE CLIMATISATION PLUS VERTUEUSE En parallèle, l’innovation au niveau des climatiseurs mêmes se poursuit. De nombreuses startups travaillent sur des équipements moins énergivores et dont la température ne peut descendre en dessous de 24 °C. D’autres imaginent des systèmes alternatifs de refroidissement. Déjà éprouvé en Autriche et en Suisse, le concept 22‑26 (en raison d’une température intérieure oscillant entre ces deux jalons) de l’agence À New Delhi (Inde), des climatiseurs bardent les façades d’immeubles. Pourtant moins de 11% des foyers indiens disposent de la climatisation. x 3 L’AIE prévoit un triplement du nombre de climatiseurs d’ici à 2050 dû à l’augmentation des revenus dans des pays émergents. DÉCRYPTAgE

les actions à l’échelle internationale se font sans concertation, d’où la nécessité d’une réelle volonté politique, d’un renforcement des législations et d’une meilleure régulation des pratiques. Les quelques réglementations thermiques actuelles pourraient un jour servir de base salutaire à une norme mondiale attendue. Si un monde sans climatiseur relève de l’utopie, des solutions existent pour en juguler à plus ou moins court terme les effets pernicieux. Fabrication de climatiseurs moins énergivores, adaptation de nos bâtiments et de nos environnements pour les rendre moins vulnérables à la chaleur, modification de nos modes de vie, développement de technologies innovantes… avec, en ligne de mire, le défi d’une politique volontariste de régulation à l’échelle de la planète. Baumschlager Eberle Architectes (BEA) ne nécessite pas de système de chauffage, de ventilation ou de refroidissement. Un premier bâtiment de 24 logements utilisant ce procédé sera inauguré à Lyon (France) en 2025 dans le quartier Confluence. De son côté, le free cooling refroidit un bâtiment en exploitant la différence de température entre l’air extérieur et l’air intérieur ou de l’eau très froide, en jouant sur des volets et des aérations. Variante de ce système, la thalassothermie, par laquelle l’eau sert à rafraîchir des immeubles. DES LOIS POUR RÉGULER LES PRATIQUES Dans les faits, les pays ne restent pas les bras croisés face à la montée en puissance des climatiseurs et leurs conséquences. En France, le gouvernement préconise de régler la climatisation à 26 °C et pas en deçà. En Italie, une loi de 2022 interdit de baisser les thermostats au‑dessous de 25 °C dans tous les lieux publics. En parallèle, les énergies renouvelables sont encouragées. Reste que toutes Un bâtiment utilisant un système alternatif de refroidissement sera inauguré à Lyon (France) en 2025. Isoler permet d’économiser jusqu’à 80% de l’énergie nécessaire au chauffage ou à la climatisation. © Isover

26 PROJETS INSpIRANTS

27 THE PLUS, MAGNOR (NORVÈGE) L’usine de l’entreprise Vestre, fabricant norvégien de mobilier urbain, a été la première dans la catégorie des sites industriels durables à décrocher le niveau « Exceptionnel » de la norme BREEAM, soit la plus haute certification environnementale. Les façades en verre – d’une superficie de plus de 2000 m2 – ont en effet été conçues pour assurer une transparence maximale et une consommation énergétique de 60% inférieure à celle des usines classiques. The Plus est également équipé de 900 panneaux photovoltaïques (250000 kWh/an), de 17 puits géothermiques et de pompes à chaleur intégrées dans les murs afin d’absorber l’excédent de chaleur provenant des machines nécessaires à la fabrication des produits. MAGNOR DÉCOUVREZ toutes les photos du projet sur notre magazine en ligne Constructing a sustainable future

28 PROJETS INSpIRANTS

29 HARVARD UNIVERSITY SCIENCE AND ENGINEERING COMPLEX, BOSTON (ÉTATS-UNIS) Le Science and Engineering Complex (SEC) a été conçu pour devenir le « bâtiment le plus durable du campus de Harvard ». Cet édifice de plus de 30000 m2 a reçu les certifications LEED Platine et Living Building Challenge (LBC). La façade recouverte d’ailettes protège l’intérieur de la surexposition solaire en été, tout en laissant entrer le rayonnement du soleil en hiver. En concentrant les infrastructures techniques (chauffage/climatisation, fluides, énergie) au centre du bâtiment, et grâce à de grands atriums en verre associés à des cloisons intérieures vitrées, la priorité est donnée à la lumière naturelle. Un système de récupération de chaleur à haut rendement logé dans l’enceinte mécanique du toit capte plus de 90% des pertes thermiques. BOSTON DÉCOUVREZ toutes les photos du projet sur notre magazine en ligne Constructing a sustainable future

30 PROJETS INSpIRANTS

31 OSTRO PASSIVHAUS, KIPPEN (ROYAUME-UNI) Cette maison passive bâtie à Kippen, près de Stirling en Écosse, est exemplaire pour sa faible consommation d’énergie grâce à une méthode de construction originale dite « boîte dans la boîte ». La boîte intérieure de l’édifice contient tous les services humides (eau et fluides), les connexions et les circulations d’air. Les pièces sont conçues comme des espaces entre les boîtes intérieures et extérieures. Le boîtier extérieur est un écran parepluie en bardage de bois avec des ouvertures à triple vitrage orientées verticalement et perforées sur un axe nord-sud. Le revêtement en bardage bois altéré reflète la forêt à laquelle la maison fait face. KIPPEN DÉCOUVREZ toutes les photos du projet sur notre magazine en ligne Constructing a sustainable future

32 IA, BIM, jumeau numérique, IoT… Les technologies numériques ont pénétré le secteur de la construction pour impulser de nouvelles façons de concevoir les bâtiments et maîtriser leur impact environnemental. Comment? En les rendant plus intelligents! L’IA POUR DES BÂTIMENTS AUX CONSOMMATIONS OPTIMISÉES Déjà mis en œuvre dans le secteur de la construction, pour simuler des projets immobiliers ou surveiller des chantiers en temps réel, les systèmes d’intelligence artificielle (IA) s’intègrent désormais aux bâtiments pour favoriser la réduction de leurs émissions carbone. Le recours à l’IA contribue ainsi à l’anticipation des besoins énergétiques en fonction des modèles de consommation passés, des conditions météorologiques et d’autres facteurs, afin d’optimiser la production et la distribution d’énergie. Un tel dispositif a été mis en place en 2020 dans deux lycées de Bergneustadt près de Cologne (Allemagne), par Vinci Facilities Solutions et la société Dabbel, spécialisée dans la gestion de bâtiments autonomes. De 20% à 30% d’économies sur les coûts énergétiques ont été constatés. LE BIM POUR MODÉLISER L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE Le Building Information Modeling (BIM) – ou modélisation des informations du bâtiment – est une méthodologie de gestion de projet de construction reposant sur une maquette numérique 3D avec des données structurées. Il favorise la collaboration et optimise l’analyse, la simulation et le contrôle de divers aspects tels que la conception, la construction, la logistique et l’empreinte environnementale du projet. Largement adopté aux États‑Unis, le BIM est obligatoire dans certains pays comme le Chili, la Corée du Sud ou le Danemark, et en croissance en Europe, notamment en France. Il peut évoluer vers le RIM (modélisation des ressources d’information), qui assure la traçabilité des matériaux, le calcul de DÉCRYPTAgE 20 % à 30 % d’économies d’énergie constatés grâce à l’IA dans deux lycées de Bergneustadt près de Cologne (Allemagne). Quand la tech se met au service du DÉFI CLIMATIQUE

33 leur impact carbone, la planification de la déconstruction et du recyclage. Le BIM a été employé ces dernières années dans la construction d’infrastructures majeures telles que l’Aéroport d’Istanbul (Turquie), l’un des plus grands et des plus durables au monde, et le Stade national de Bakou (Azerbaïdjan), entièrement conçu grâce au BIM, pour être le plus économe possible en énergie. LE JUMEAU NUMÉRIQUE POUR UNE OPTIMISATION DES PERFORMANCES EN TEMPS RÉEL Les jumeaux numériques sont des modèles virtuels d’objets conçus pour refléter fidèlement un objet physique, à partir de données précises et continuellement actualisées. Alimentés grâce aux capteurs IoT (Internet des objets) et intégrés dans le processus BIM, ils offrent tout au long de son cycle de vie une représentation virtuelle, véritable version « vivante » parallèle du projet en temps réel. Les acteurs de la construction durable y ont recours pour optimiser les ressources, surveiller l’efficacité énergétique, prédire les besoins de maintenance, et réduire les émissions de GES. La citéÉtat de Singapour, classée en tête de l’indice des villes intelligentes de l’IMD (2) en 2020 et 2021, a créé son jumeau numérique, Virtual Singapore, avec la collaboration de l’entreprise française de logiciels Dassault Systèmes, pour obtenir en temps réel les informations de température, d’humidité, d’ensoleillement, de circulation ou de niveaux sonores utiles à l’optimisation des fonctionnalités de la ville. (1)  Baromètre 2021 sur l’usage du numérique et du BIM par les professionnels de la construction. (2)  L’International Institute for Management Development est une école de management, présente à Lausanne (Suisse) et à Singapour. 48 % des acteurs de la construction considèrent le BIM comme une priorité stratégique (1) Inauguré en 2018, l’Aéroport d’Istanbul (Turquie) a bénéficié des technologies numériques, dans sa conception puis sa construction, pour limiter son impact environnemental. RETROUVEZ l’article complet sur Constructing a sustainable future

En Europe, près de 75% des bâtiments existants sont inefficaces sur le plan énergétique et nécessitent une rénovation à grande échelle (1). Sur le continent européen comme dans toutes les zones géographiques au parc très construit, l’enjeu est considérable. Comment favoriser l’essor de ce marché et les projets de rénovation énergétique? Il y a là une question d’organisation et de planification collective à laquelle le secteur doit répondre. Relever le défi

35 (1) Site du Conseil de l’Union européenne, février 2024. PARTIE

36 La rénovation énergétique des bâtiments est LE chantier du xxie siècle, qui permettra d’atteindre l’objectif de zéro émission nette de carbone. Enjeu principal du pacte vert pour l’Europe à l’horizon 2050, elle en est un levier majeur pour apporter des réponses concrètes aux défis d’urgence environnementale, de réduction de la consommation d’énergie et d’éradication de la précarité. UNE PRIORITÉ POUR LE CLIMAT Les opportunités de rénovation énergétique dans l’Union européenne sont vastes. Actuellement, plus de 97% des bâtiments recensés doivent être modernisés pour répondre aux critères d’efficacité énergétique. Selon le Parlement européen, ils pèsent 40% de la consommation énergétique finale de l’UE, 36% de ses émissions de CO2 et 55% de sa consommation d’électricité. L’enjeu est colossal. À tel point que la Commission européenne a défini en 2020 sa « stratégie pour une vague de rénovations », qui vise à doubler leurs taux annuels d’ici à 2030. En plus de réduire les émissions, ces rénovations amélioreront la qualité de vie des personnes qui habitent et utilisent les bâtiments et devraient créer de nombreux emplois verts supplémentaires dans le secteur de la construction. DÉMOLIR NON, RÉNOVER OUI Pour lancer un déploiement massif et durable d’une rénovation énergétique en Europe, plusieurs voies sont privilégiées… Sur le continent européen, les politiques de soutien et d’incitation par l’Union et ses États membres se sont nettement accélérées depuis quelques années. En parallèle de l’aspect réglementaire, des initiatives sont prises sur le financement de la rénovation, parmi lesquelles l’effort additionnel réalisé par l’Union dans le cadre de son programme DÉCRYPTAgE À quoi sert LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE ?

37 Éviter de démolir pour reconstruire, c’est le sens d’un déploiement massif et durable d’une rénovation énergétique en Europe. 40 % de la consommation énergétique de l’Union européenne provient des bâtiments ne répondant pas aux critères d’efficacité énergétique (1) (1)  Source : Parlement européen.

38 DÉCRYPTAgE Un sujet de santé publique Exemple à Toronto, où une étude d’impact de l’exposition aux particules fines a démontré qu’une mise en conformité des immeubles résidentiels (ventilation…) avec le code du bâtiment permettrait d’économiser jusqu’à 2,3 Md$ par an de frais de santé (2). En France, le ministère de la Transition écologique (3) chiffre à 7500 € par an en moyenne le gain sanitaire et social généré par la rénovation d’un seul des 1,3 million de logements considérés comme les pires « passoires énergétiques » du pays. Est-il encore besoin d’insister sur les bénéfices sanitaires et économiques de la rénovation énergétique des bâtiments? Si les enjeux et les solutions sont désormais connus, les actions restent à entreprendre à une plus grande échelle. (2)  Impact of residential building regulations on reducing indoor exposures to outdoor PM2.5 in Toronto – Zuraimi, M.S. and Tan, Z., 2015. (3)  Étude « Rénovation énergétique des logements : des bénéfices de santé significatifs », ministère de la Transition écologique, mars 2022. NGEU (Next Generation EU) (1) afin d’aider certains États membres à effectuer des investissements en faveur de l’environnement. Ailleurs dans le monde, la rénovation s’impose aussi comme une nécessité. Aux États‑Unis, l’État de New York a ainsi mis en œuvre en 2019 son ambitieuse loi de Mobilisation climatique – 50000 bâtiments de grande taille à rénover, un marché de 18 Mds€ d’ici à 2030, et la création de 141000 emplois locaux –, devenant ainsi le 6e État américain à adopter un objectif « zéro carbone », après Hawaï, la Californie, le Nouveau‑Mexique, le Nevada et Washington. RÉDUIRE LES ÉMISSIONS EN EXPLOITATION Réussir à atteindre ces objectifs repose sur un triptyque : efficacité, sobriété, décarbonation. Pour cela, l’isolation (intérieure et extérieure) est un point de départ essentiel. Puis, vient la mise en place d’un système de ventilation maîtrisé et d’équipements de chauffage/ climatisation performants. Le tout permettant de réduire durablement les charges des occupants, tout en répondant à une logique de confort, hiver comme été. Les résultats sont d’ores et déjà visibles, avec des consommations d’énergie divisées en moyenne par 5,5 et des émissions de CO2 par 12. (1)  Programme de relance économique de la Commission européenne destiné à aider les États membres de l’UE à se remettre de la pandémie de Covid-19.

39 RETROUVEZ l’article complet sur Constructing a sustainable future

40 PROJETS INSpIRANTS

41 HOUSE OF MUSIC, BUDAPEST (HONGRIE) La House of Music, inaugurée en 2022 à Budapest, est un projet de rénovation urbaine ambitieux qui donne un nouveau visage à la capitale hongroise. L’architecte japonais Sou Fujimoto l’a imaginée comme « une onde sonore suspendue à la cime des arbres ». Bâti et environnement paysager s’entremêlent dans une osmose parfaite, de ce monument exemplaire en termes de transition énergétique, grâce à la géothermie et l’utilisation de matériaux durables. Les frontières entre intérieur et extérieur s’estompent grâce à d’immenses panneaux de verre thermique à contrôle solaire, qui composent un véritable rideau translucide. BUDAPEST DÉCOUVREZ toutes les photos du projet sur notre magazine en ligne Constructing a sustainable future

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